No One Writes to the Colonel - Gabriel García Márquez

C'était un homme de petite taille, volumineux mais aux chairs flasques, avec une tristesse de crapaud dans les yeux.

Au bureau de poste, il alla droit vers l'employé.
- J'attends un pli urgent, dit-il. Par avion.
L'employé chercha dans les casiers étiquetés. Quand il eut fini de déchiffrer les adresses, il replaça les lettres dans leurs casiers respectifs, sans mot dire. Il se frotta les paumes des mains en décochant au colonel un regard significatif.
- Elle devait arriver sans faute aujourd'hui, dit le colonel.
L'employé haussa les épaules.
- La seule chose qui arrive sans faute, colonel, c'est la mort.

- Je t'ai réchauffé la soupe quatre fois, dit la femme.
- Si tu veux, tu peux la réchauffer dix fois, dit don Sabas. Mais pour le moment, ne m'échauffe pas la bile.

- Et vous, docteur, comment allez-vous?
Le médecin haussa les épaules.
- Comme ci, comme ça, dit-il. Je crois que j'ai besoin d'un médecin.

- Tu ne dos toujours pas, dit la femme.
- Non.
Elle réfléchit un moment.
- On ne peut pas se permettre ça, dans notre situation, dit-elle. Pense un peu à ce que ça représente, quatre cents pesos.
- La pension va bientôt arriver, dit le colonel.
- Tu dis la même chose depuis quinze ans.
- C'est pour ça, dit le colonel. Elle ne peut plus tarder bien longtemps.