Capables de haïr et de frapper et désirant aimer, donner ; pourtant et défendant la vie et accumulant les moyens de tuer et poussés, quelquefois, à nous tuer nous-mêmes, tant nous étions déchirés entre le meilleur et le pire, entre l'espoir et la désespérance.
On a dit, peut-être Confucius, que l'expérience est une lanterne que l'on porte accrochée dans son dos et qui n'éclaire que le chemin parcouru et jamais la route à venir.
Peut-être vivrez-vous dans un temps où l'on saura reconnaître que la vie sous toutes ses formes est un miracle qu'il faut protéger.
Plus tard j'ai rencontré Pierre-Joseph. Il bougonnait.
- Vous alors, vous êtes violent, disait-il. Vous n'aimez pas la chasse, c'est votre droit. Mais si j'avais eu le fusil chargé vous auriez pu me blesser.
Comment lui expliquer que tuer un sanglier, un oiseau, est un acte meurtrier qui habitue à exercer le droit d'interrompre la vie?
J'ai davantage souffert et une cicatrice profonde vaut mille ans d'études, une blessure est un pas vers la sagesse si l'on sait pourquoi on l'a reçue et ce qu'il a fallu pour la guérir.
Car tout en notre temps se tient. Ici des plats de viande rouge. Pour se les procurer il faut consacrer des milliers d'hectares aux pâturages. Et les cultures régressent et des peuples meurent de faim.
Et qui dira l'effet sur chaque individu de cette participation au banquet de la chair? Et croyez-vous qu'une civilisation puisse être pacifique quand elle torture, abat des millions d'animaux, victimes sans défense livrées à des bourreaux?
Osons regarder dans l'arrière-salle de nos restaurants ces hommes qui gavent, qui enferment, qui dopent et qui égorgent. Osons imaginer, quand on pose devant vous le plat, l'animal joyeux qu'il a fallu abattre.
Pas d'hypocrisie!
Hommes du premier monde, sachez que votre nourriture naît du crime et du massacre.
Biologiquement, économiquement, moralement: rien, sinon des habitudes d'avant ce qui doit être l'homme justifient ces comportements et cette passion pour la chair. Or je dis que nous resterons des hommes de la violence et de la guerre tant que ne sera pas réformée cette coutume barbare de la consommation d'animaux morts, de l'élevage concentrationnaire et artificiel de millions d'êtres vivants en vue de notre festin carnivore.
Et pire: souvent nous avons fait disparaître des espèces entières. Et parmi celles qui existent encore au moment où je vous écris, Hommes de demain, qui peut dire qu'elles subsisteront, que vous les connaîtrez? Que sont devenus les derniers grands mammifères marins que l'on chasse et que l'on tue et qui s'en vont parfois mourir collectivement, se jetant par dizaines sur les plages comme si la volonté de vivre dans le monde que nous leur faisons les avait abandonnés?
Ils ne comprenaient pas qu'atteindre ou mutiler la vie était en fait blesser chaque être vivant, quelle que soit sa forme.
Une plaie pour être soignée doit d'abord être ouverte.
...par le hasard, qui a toujours un sens.
Hommes de demain, j'ai appris qu'il suffit parfois d'un mot dit pour sauver et d'un mot tu pour condamner.
Hommes de demain, chacun doit demeurer maître de sa vie, de son destin et de ses choix.
La liberté ne se partage pas.
Et notre route était balisée comme un sentier de montagne. Mais ceux qui les ont empruntés savent bien qu'il faut être attentif pour reconnaître sur la roche ou le tronc d'arbre la marque de peinture que les guides ont peinte et qui donne la route. Combien qui commencent à marcher et qui perdent la direction? Ils peuvent sans vigilance s’égarer dans la forêt, retrouver le chemin par hasard ou au contraire aller vers la falaise et se précipiter dans l'abîme. La trace existe mais le marcheur doit la découvrir. Telle me paraît être la loi. Chacun est libre de son attention ou de sa distraction. Chacun doit repérer le signe sur la roche, là, à portée de regard, et chacun peut décider de le suivre ou au contraire de s'écarter.
La peur aveugle et amoindrit. La peur est contagieuse. La peur attire la violence et la provoque.
Hommes de demain, que votre monde soit celui de la dignité, de la lucidité et du courage.
Je ne rêve pas d'un monde de l'uniformité. Je ne veux pas que chaque homme ressemble à un autre homme.
Je rêve d'un monde où l'égalité des chances existe, où l'homme soit débarrassé des angoisses de la vie quotidienne pour qu'enfin il puisse se demander qui l'a jeté sur cette Terre et quel est le sens de son passage.
Je rêve d'un monde où chaque homme posséderait et utiliserait une énergie créatrice équivalente à celle de Pablo le Géant.
Charte de fraternité pour la famille humaine
1.
Tu respecteras la Vie, car là est le mystère, là est l'avenir.
2.
Tu sauras que ta vie, ta famille, ta ville, ton pays, ton continent ne sont pas des îles mais des éléments d'un tout, qui s'appelle la famille humaine.
3.
Tu comprendras que ton comportement individuel dépendent, à chaque instant, l'esprit et le sort du monde.
4.
Tu affirmeras qu'un homme vaut un homme, partout, toujours.
5.
Tu n'ignoreras pas que, à ta porte, des millions d'hommes sont menacés par la faim et la violence.
6.
Tu vivras avec l'idée que l'espèce humaine, si rien ne change, court à la destruction.
Et tu te sentiras responsable de son destin.
7.
Tu délégueras seulement à ceux qui te parleront le langage de la vérité, de la paix et de la fraternité.
8.
Tu ne chercheras pas des boucs émissaires.
Tu essaieras toujours d'expliquer et de comprendre et de convaincre.
9.
Tu condamneras la violence et le racisme.
10.
Tu souhaiteras qu'un Conseil de Sages, au-dessus des intérêts, des passions, des égoïsmes, aide les représentants de la famille humaine à choisir pour le monde entier la voie de la paix.